Les arnaques se développent de plus en plus par le biais des nouvelles technologies tel que le mail. Les arnaques ont pris une importance considérable car les nouvelles technologies leur accordent plus de visibilité. Il est plus facile d’envoyer un mail contenant une arnaque qu’une lettre car l’on peut l’envoyer à plusieurs personnes en même temps. C’est pour cette raison qu’on a l’impression que les arnaques sont assez récentes mais en réalité elles existent depuis bien plus longtemps. En effet, Eugène-François Vidocq mentionne dans le dictionnaire d’argot faisant partie de ses Mémoires le terme de « lettres de Jérusalem ». Ce sont des lettres qui étaient envoyées à de riches royalistes dans le but de leur soutirer de l’argent. Mais nous allons voir aussi des exemples plus récents : six mails écrits par Jerry Boney, Jean-Pierre Boutin, Nadège Tagro, Nancy Pecheur, Annick et Patrick Bossuet. Le premier, le troisième et le sixième proposent de faire passer de l’argent dans notre pays avec en échange une certaine somme offerte. Le deuxième et le quatrième ont la même démarche mais veut utiliser l’argent pour une œuvre caritative. Enfin, le cinquième est un peu différent : il propose lui aussi de faire passer de l’argent dans notre pays dont le destinataire pourrait bénéficier mais l’argent n’appartient pas à l’envoyeur du mail.
Nous allons essayer de répondre à la question suivante à partir de ces documents : comment peut-on éviter de se faire arnaquer ? Nous allons d’abord étudier l’évolution du mode opératoire des arnaques au fil du temps puis quels sont les éléments qui reviennent dans un premier temps sur la forme et dans un second temps sur le fond.
On peut remarquer une évolution des arnaques au fil du temps. Nous allons comparer un exemple de « lettre de Jérusalem » que Vidocq nous donne dans ses Mémoires et les deux exemples dont j’ai aussi parlé précédemment : les mails de Jerry Boney et de Jean-Pierre Boutin. La première différence qu’on peut voir est que le destinataire de ces arnaques diffère. Dans le cas de la « lettre de Jérusalem », il s’agit de riches royalistes alors que dans le cas des mails, ils choisissent plutôt les personnes sans vraiment de critères. L’histoire qui est racontée dans le but de convaincre le destinataire de sa véracité et de sa bonne foi n’est pas non plus la même. Dans les mails, l’énonciateur raconte qu’il a reçu un héritage ou qu’il a de l’argent et propose de le transférer dans notre pays (« m’aider dans le transfert de la somme » dans le message n°1 de Jerry Boney et « je voudrais faire Don à une personne de confiance » dans le message n°2 de Jean-Pierre Boutin) alors que dans la « lettre de Jérusalem », il lui dit qu’il s’est enfui de son pays après la mort de son maitre et qu’il a enterré de l’argent qu’il a pu récupérer. Il se trouve en ce moment dans une prison mais la carte permettant de retrouver l’argent est en possession d’un infirmier. Il demande donc à celui à qui elle envoie la lettre de lui donner de l’argent pour se réapproprier la carte afin qu’il puisse la lui donner. Le mail n°6 ressemble donc beaucoup à la « lettre de Jérusalem » : Patrick Bossuet a perdu lui aussi son patron (« j’ai été homme de main d’un ministre africain mort suite a ses blessures ») et il a aussi de l’argent caché quelque part et a besoin d’aide pour le récupérer (« Nous étions venus avant sa mort avec deux caisses qu’il avait gardé dans deux différentes sociétés de sécurité. » et « je ne dispose pas d’argent pour mener à bien cette opération »). Un autre point commun qu’on peut remarquer entre la « lettre de Jérusalem » et la plupart des mails est que la somme offerte est assez importante : dans le message n°1, elle est de « US$ 8, 000, 000.00 », elle est de « 2.000.000,00 euros » dans le message n°2 et de « six Millions sept Cent Mille Euros » dans le message n°3.
Dans ces arnaques, de nombreux éléments reviennent ce qui nous permettra de les repérer. Nous allons voir maintenant les éléments récurrents qu’on peut remarquer dans le style du texte. Certaines tournures de phrases sont étranges ou certains mots ne sont pas utilisés dans le bon contexte. On peut s’en apercevoir dans le message n°1 (« C’est mon désir d’entrer en contact avec vous sur l’honnêteté et la sincérité » ou encore « Indiquez votre intérêt vers l’assistance de moi ») ou encore dans le message. Parmi ces tournures de phrases un peu inhabituelles, certaines peuvent nous faire penser que le texte a été traduit de l’anglais. On en a l’exemple principalement dans le message 1 où on a la somme de US$ 8,000,000.00 qui est traduite par « Huit Millions d’Etats-Unis des Dollars » ou encore « je veux parvenir à vous connaitre mieux » On peut remarquer un langage qui est à la fois familier et soutenu comme dans le message 1 où l’expéditeur commence son mail de cette manière, « Salut » pour ensuite vouvoyez le destinataire (« je puisse communiquer avec vous à tout moment » ou encore dans le message n°4 (« Bien à toi » puis « si vous êtes d’accord »). On peut remarquer cette familiarité dans les formules de politesse : « Cordialement » dans les messages 3, 4 et 6 et « Très fraternellement » dans le message 5 qui ne devraient être réservés qu’à des personnes que l’on connait bien, ce qui n’est pas le cas ici. D’autres éléments qui peuvent nous faire douter de la véracité de ces messages sont les problèmes de ponctuation que l’on peut remarquer par exemple dans le message 6 qui se finit par « Cordialement ! » ou encore dans le message 4 où aucune ponctuation est présente à part les points mais aussi la présence de majuscules au milieu d’une phrase ( message 2 : « le Docteur » ou « je voudrais faire Don » ) et la somme d’argent est écrite en majuscules dans les messages 1 et 3.On peut remarquer des mots écrits tout en majuscules dans les messages 2 et 3 comme « CANADA », « GRAVES PROBLEMES » et « CONFIDENTIALITE ».
Enfin, nous allons voir maintenant les éléments récurrents qu’on peut remarquer dans le contenu de arnaques. On peut déjà remarquer que la notion de confiance est quelque chose qui revient régulièrement : en effet, le mot est présent deux fois dans le message n°1 et on en trouve aussi des synonymes ou des mots dont le sens s’en rapproche (« honnêteté ou sincérité »). C’est le cas aussi dans le message n°2 où M. Jean-Pierre Boutin souhaite donner son argent à « une personne de confiance et honnête ». On peut le voir aussi par la mention d’espoir qui est faite dans les deux messages : « espère progressivement construire la confiance la relation et la confiance en vous » dans le premier message et « j’espère que vous m’aideriez »). Les deux messages insistent aussi sur l’aide qu’ils attendent du destinataire et l’espoir que ce qu’il lui demande réussisse. En effet, le verbe « aider » est utilisé dans les deux messages (« pour m’aider dans le transfert de la somme » et « j’espère que vous m’aideriez ».
On peut remarquer aussi dans les deux cas un rapport avec la mort et/ou à la maladie. M Jerry Boney a perdu son père dont il a reçu un héritage (« Hérité de mon père dernier tardif M Smith Boney ») et M. Jean-Pierre Boutin a perdu sa femme (« j’ai perdu mon épouse il y a de cela 3 ans ») et il ne lui resterait que peu de temps à vivre (« je souffre d’une maladie qui me condamne à une mort certaine ») C’est le cas aussi dans le message n°4 (« Du fond de mon lit d’hôpital, je pense a tous ces enfants démunis qui ne fêterons ni surement ni noel ni le nouvel an »). Les auteurs de ces mails usent du pathos, essayent de faire ressentir de la compassion pour leur situation de la part du destinataire pour le pousser à accepter leur demande. Le destinataire peut se dire que ce que l’on lui demande de faire n’est pas grand-chose pour aider une personne qui a connu de tels problèmes (surtout dans les messages n°2 et n°4). Il aura le sentiment d’agir pour une bonne cause d’autant plus que deux messages lui demandent d’aider en plus avec l’argent une association ou d’en créer une. De plus il a un bénéfice matériel dans cette affaire car il recevra de l’argent sans n’avoir rien fait et facilement. Tout cela vise donc à manipuler le destinataire en lui faisant miroitier un gain d’argent et en le persuadant qu’il agit pour une bonne cause. Enfin, dernière chose que l’on peut remarquer dans tous ces mails : ils ont pratiquement tous un rapport de près ou de loin à l’Afrique (à part le message 4). M. Jerry Boney (message 1) possède une « résidence à Cote d’Ivoir », M. Jean-Pierre Boutin (message 2) avait des actions « dans une entreprise d’exportation de coton au Burkina Faso », Nadège Tagro (message 3) est « fille de feu M. Désiré Tagro, l’ex- ministre de l’Intérieur de la République de Côte d’Ivoire », Annick (message 5) donc la profession est « comptable/Ecobank Côte d’Ivoire » et Patrick Bossuet dont le patron était « un ministre africain mort » (message 6).
Pour éviter de se faire arnaquer, il faut donc être capable de le repérer et j’espère que les critères que j’ai mentionnés et que j’ai repéré comme habituels dans ces messages d’arnaque pourront vous aider à ne pas vous faire avoir. Dans tous les cas, si un message vous semble étrange ou que vous ne connaissez pas l’expéditeur, n’y répondez pas et classez-le dans vos indésirables. Recevoir des arnaques sur votre adresse mail peut vous inviter aussi à revoir certaines de vos actions sur Internet. Avez-vous déjà donné cette adresse mai sur un site non sécurisé ? Si tel est le cas, cela peut expliquer la réception de ces arnaques. La lutte contre les arnaques commence peut-être là : en faisant attention aux données personnelles visibles sur Internet.